(Bern) toujours cet air liquide

dans le train pour Bern : petites maisons aux toits pentus dans la distance, pâturages, fermettes, ruisseaux étincelants, un paysage qui tiendrait dans la main ou une boule à paillettes, minuscule et serein. à la gare, je laisse mes bagages à la consigne comme un clin d’oeil à Edouard qui en jette la clé – il y a quelques jours que je pense à Gide, à cause de la mélancolie qui n’est que ferveur retombée, de Lafcadio fantôme d’Arthur Cravan, de la beauté des actes gratuits (ce que j’appelle volontiers « des crimes russes ») et des visages de Janus reconnaissables d’entre eux seuls des « subtils« . j’ai toujours aimé la colère méta-familiale d’Arthur Cravan envers Gide : très clairement, il lui a fait payer ce qu’il estimait être une traîtrise à Oscar Wilde – étonnant sens de l’attachement pour un type qui traînait toujours tout seul ses gants de boxe aux quatre coins du monde et jusque dans l’effacement. un texte pourrait être à écrire, énième fantasme cravanien, où le « personnage » Cravan exécuterait proprement tous ceux qui ont abandonné Wilde : on a de l’intégrité poétique ou l’on en n’a pas et sans doute, plus encore qu’un crime d’honneur, ce serait là un acte d’amour…

Bern donc : ville enserrée dans le repli du fleuve, petits carrés d’arcades et chaleur fulgurante. je rêve sous les saules, je plonge mes bras dans les fontaines, les trams roulent le long des rues très droites en secouant leurs clochettes et brusquement il faut partir : Neuchâtel, l’air liquide sur le lac, la forêt qui monte comme une crue, la montagne magistrale et tant de folle beauté.

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