les angles et les espaces

troublée par le grain de sa voix, l’arc serré de ses hanches — croisant à nouveau ce garçon calme, doux, très brun il me semble retrouver M au moment le plus violent de ma passion. je sais qu’il me faut contenir, retenir en moi le souvenir désormais apaisé, ne surtout pas déplacer la douleur dans l’épaisseur du deuil. on aime, et on oublie — je ne peux pas dire que j’ai oublié M, mais j’ai enfoui en moi ce que j’aimais le plus de lui, j’en ai fait des années de splendeur, auxquelles d’autres splendeurs, quoique incomparables, ont succédé.

pourtant: un moment à ses côtés dans la cuisine je retrouve toute l’étroitesse des cuisines du passé, je parle au presqu’inconnu je reconnais le poids de sa peau dans la mienne, le corps de M animal fabuleux qui n’en finit pas d’exploser les angles et les espaces, voix grave, rythme lent, yeux ourlés qui devant moi ne s’abaissent pas, c’est trop tard maintenant, craquelée du dedans par ces éclats décalés, il est tendre et je voudrais lui dire, je ne peux pas, au risque de tout détruire, j’aime en lui un homme qu’il ne connaît pas.

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