(Lisbonne) retrouvailles

de chaleur, de fatigue et de tristesse peut être les premières retrouvailles avec Lisbonne ont été violentes ; pourtant, je le sais déjà, je m’en rappellerai bientôt comme d’heures rares, entières vécues dans la chaleur, une forme de beauté qui prend le dessus par l’intensité des lumières et des sens, pas tant une falsification qu’une relecture sensible qui n’exclut pas le vacillement. car sans cesse je suis entre deux airs, trois ou plus peut être, pensant à vous, parlant anglais, lisant Pessoa et suivant Antonio dans les petites décadences italiennes qu’il orchestre sur le port, la nuit, sur fond de pop bien kitsch et de limoncello.

un jour peut être je penserai : c’était un moment de liberté. je me levais sept fois par nuit, inquiète et désarmée, je rêvais d’une fille à la destinée tragique que je ne pouvais pas sauver, c’était une histoire que j’avais écrite déjà ou qui demandait à être mise au jour, je dînais un soir seule à la Casa do Alentejo, derrière le théâtre brillant de mille feux, et les figures des fresques je l’aurais juré projetaient de sortir de leur immobilisme car tout tanguait si fort, si vite, sous mes paupières serrées.

le lendemain je me suis installée dans le petit eléctrico que nous avions pris ensemble : là-haut le belvédère magnifique, le Pavillon Chinois, et tout le long de la rue les jacarandas étaient en fleurs, bleus intensément comme vous l’aviez prédit. à la vérité, je ne sais pas s’il est une image plus forte, plus belle que celle-ci : des jacarandas en fleurs, à flanc de colline, dans une ville étrangère. je rêvais dans cette idée quand il s’est mis à pleuvoir, doucement. je suis entrée dans le café de la place Principe Real comme dans un apaisement : je voulais vous parler, vous dire qu’en m’emmenant ici il y a un an vous m’avez donné les clés du plus mystérieux des refuges, une maison de verre dans la végétation magnifique des arbres au coeur battant, un accueil que rien ne détruira, royauté sensible que relisant Breton je pourrais aussi appeler ma « maison de sel gemme ».

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