il y a ces images : d’abord, le long pont d’Enoshima, la baie de Godley’s Head, le lac Pavin l’automne – maintenant Skye, debout dans la lumière et le noir de la mer.
je n’aime pas les photos ; j’aime celles de Sébastien Brière.
en creusant mon obsession sur anatomie et cartographie, j’ai découvert Morbid Anatomy, qui dresse une liste parfaite de tous les musées, centres culturels ou sites internet sur l’iconographie du corps, de la médecine, de la dissection, et autres joyeusetés poétiques. passionnant aussi : le site Anatomy of Gender de l’Université Northwestern, et les Vénus anatomiques de la collection florentine La Specola.
j’ai cherché, à tout hasard, une édition française de Written On The Body de Jeanette Winterson : épuisée, visiblement. ce qui, en revanche, sera toujours inépuisable reste bien la bêtise. il faut voir l’aplomb avec lequel je ne sais quel zouave du Matricule des Anges affirme : « Cet homme, car il s’agit d’un homme, Jeanette Winterson écrit à la première personne du masculin, tombe amoureux fou de Louise ». une telle assertion me rend curieuse : est-ce la traduction qui gomme toute la subtilité de la narration non-genrée, ou est-ce Mr Critique qui ne sait lire que selon la sacro-sainte « matrice hétérosexuelle » ? si la femme est aimée, elle ne peut l’être que par… un homme. et moi j’ai envie de dire : au secours, Judith Butler ! Mr Critique fait son boulot – il n’a pas tort de souligner les faiblesses du récit – mais pourquoi faut-il toujours revenir à cet inévitable modelage sexuel ? Written On The Body tient sa dose d’inquiétude, la langue questionne le corps, tous les marquages traditionnels de la narration échappent à la catégorisation sexuelle, et n’est-ce pas là ce qui dérange le plus ? on notera aussi l’insistance avec laquelle Mr Critique revient sur un personnage franchement anodin qu’il ne craint pas de nommer : « la féministe terroriste »… on devrait pourtant être ici au-delà des querelles : l’amour vécu, l’amour perdu, simplement.
Written On The Body n’a pas connu un accueil plus tolérant en Grande-Bretagne, comme le rappelle Brian Finney dans son essai « Bonded by language ». Contrairement au premier bouquin de Winterson, Oranges Are Not The Only Fruit (« Les Oranges ne sont pas les seuls fruits« , encore édité aux éditions des Femmes) qui traitait ouvertement de l’homosexualité de la narratrice, Written On The Body s’est heurté à une sérieuse censure. Oranges a reçu le prix Whitbread : Oranges était cartographiable. Written On The Body a soulevé une vague de critiques : on disait que son style s’affaiblissait, s’affadissait, qu’il se faisait cliché – autant de façons de ne pas dire l’angoisse du vertige, merveilleux, virevoletant, d’un « je » qui se fout et se joue royalement d’être homme ou femme.