la surprise

je ris dans la nuit tendre car une fois encore la vie vient me prendre par surprise -

l’évidence de te sourire, te retrouver l’air de rien au bas d’un escalier, marcher à tes côtés dans une rue bondée, et brusquement nous nous émerveillons d’aimer l’un et l’autre un écrivain voyageur polonais obscur au monde entier, et Chatwin, et Fleming, et Bouvier, des excuses pour se toucher de plus près, tu parles de tes errances avec la ferveur que j’ai pour le Japon, tu baisses les yeux parfois et je me dis tiens? mais la joie simple me porte, sans doute je parle beaucoup et un peu de n’importe quoi, j’aurais dû m’en douter, j’aurais dû sentir déjà la grande fleur languissant au fond de ma poitrine, pétale par pétale le lotus lentement déplié, j’aurais dû reconnaître la pointe aiguë dans ma chair entamée

- c’est que je m’imaginais ne pouvoir encore trouver d’enthousiasme qu’en moi-même, morceaux par morceaux péniblement dégagés, arrachés à la ville, la fatigue, le plaisir minuscule de lire ou de porter une robe échancrée, je me pensais fragile, futile, faite de morceaux abrupts -

et tu ne viens rien résoudre, rien arranger (j’ai fait mon deuil de ces attentes délétères)
tout au plus tu surprends en moi une joie irraisonnée, une joie de danseuse emportée que je ne souhaite surtout pas expliquer. c’est comme être dans le monde sans oser rien toucher – tout est devenu soudain si brillant.

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