ça ne va pas du tout – dans les rayons d’un supermarché japonais du côté de la rue Sainte Anne pour faire des stocks d’umeshu et de daifuku, au dehors tout m’irrite, tout me heurte, l’envie de pleurer quand tout soudain me semble si vain, les jours qui passent, ma tête qui ne fonctionne plus, engluée en moi-même, sur le bord de la colère, impossible d’écrire trois lignes qui vaillent, les copines qui me donnent toutes rendez-vous à la crèche pour aller chercher leurs mômes, quand E me dit tu ne peux pas comprendre tu n’es pas maman je sais que c’est sans méchanceté de sa part, ma soeur me dit: la prochaine fois tu n’as qu’à lui répondre « tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas Bac +8 », la vérité c’est que le doute revient en moi, qu’est-ce que je suis en train de faire de ma vie, est-ce que je peux supporter la vie si elle n’est qu’une longue suite de compromis et déceptions et s’il faut vivre dans cette pression insoutenable de réussir, de s’installer, « d’être maman », comme si cela allait régler quoi que ce soit, comme si cela pouvait nourrir l’immense faim en moi, la fille volcan qui ne vit bien que sur les failles sismiques.
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