Miss Progestérone

dans la foule dense et vive d’une toute petite salle de concert je retrouve le garçon aux yeux sirènes : il me regarde longuement, il ne me parle pas. il y a maintenant des années entre nous, la tiédeur du lycée et puis quelques chansons, cette salle même où il m’avait embrassée, une salle un peu vieillotte et poussiéreuse, avec la pluie qui bat aux vitres, lentement.

ainsi je suis là, avec tes amis, le temps file sans nous atteindre, tu te tiens à distance et j’ai envie de dire : j’ai horreur de ces types qui oublient qu’ils ont un jour ou deux joui tellement fort dans mes bras.

à la vérité : je suis celle qui se souvient, celle qui respecte, qui garde une forme d’invincible fidélité à hauteur du désir ou des corps révélés. je ne demande pas la pareille – j’espère les alliances secrètes et délicates.

la nuit passe, en voile, tu souris mais tu ne viens vers moi que pour des banalités, des morceaux de souvenirs ou de musique. soudain dans la rue c’est l’instant du départ, tu moques mes manières, la façon dont je me tiens ou je touche mes cheveux, et là tu me dis brusquement : n’est-ce pas, Miss Progestérone ?

j’avoue que j’en ai eu le souffle coupé – je la connais assez, la sérénade facile sur la féminité, j’ai eu mes moments d’orgueil et maintenant : de dégoût. est-ce que c’était la nuit très douce, la fièvre légère ou la colère, j’ai dit très fort et devant tes amis : oh mon coeur il y a des façons plus simples et plus élégantes de me demander de te reprendre dans mon lit…

j’ai tourné les talons, j’étais folle de rage de ces types qui ne savent jamais vivre pleinement leur désir : facile, trop facile, de rabattre sur la pseudo- »féminité » de la femme les choses qui les dérangent ou bien les font bander. si féminité il y a – elle n’appartient qu’à moi, elle ne fait de moi ni une poupée de collection ni une denrée en libre-service ni même le sujet d’une fierté ou d’une honte, et puis ça va bien tout ce cirque - ça n’est certainement pas mon problème si le loulou ne peut pas gérer ses attractions terrestres.

Cette entrée a été publiée dans journal, avec comme mot(s)-clef(s) , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Les commentaires sont fermés.