(Bruxelles)

Bruxelles – je retrouve la tranquillité ancienne des rues et des passages, sous la pluie. toujours à Bruxelles, la charge poétique de la ville me suspend : c’est comme avancer dans un rêve lucide ou suivre le fil d’un livre que l’on ne peut pas écrire, tout s’assemble dans la couleur, la forme, la foule cosmopolite qui ouvre droit au possible.

alors : un verre au Lord Byron, des heures d’errance douce dans les galeries et la librairie Tropiques, mes chaussures bleues qui claquent sur les pavés, les banques ferment les unes après les autres dans l’éclat des gros titres des journaux, je crois retrouver les beaux yeux clairs de F dans une brasserie du soir, l’agitation, la chaleur, mais c’est une illusion – très douce – au prisme d’une ligne claire. j’ai laissé des tristesses dans cette ville, aujourd’hui je cherche une solitude pour la réinvention. je pense à Sophie Podolski, la suicidée de vingt ans pour qui Roberto Bolaño avait le plus grand respect, et qu’il accueille, dans sa mythologie et notamment dans Les Détectives Sauvages, aux côtés de Joyce Mansour et de Sylvia Plath. personne pourtant dans cette ville ne sait plus qui est Sophie Podolski, personne ne connaît « Le pays où tout est permis » et peut être Bolaño lui-même ne le connaissait pas, peut être l’a-t-il rêvé, peut être ne désirait-il rien tant que la possibilité de lui rêver une postérité imaginaire et splendide car Bolaño de tous fut le plus grand passeur de fantômes.

le soir dans un dîner il y a un type qui se dit écrivain et franco-chilien : il est charmant, sûr de lui, d’une voix triste mais autoritaire il dit qu’il a peu lu Bolaño qu’il n’aime pas – et les deux heures suivantes, sans relâche, je vais me montrer la plus odieuse et incontrôlable des invitées.

(c’est ce que j’appelle être fidèle en amour)

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