la beauté selon Anne Michaels

dans la pluie pour courir acheter des Murakami (Haruki, pas Ryu) car je pensais tout à l’heure à la grande douceur de Kafka sur le rivage. alors que je cherche l’Autoportrait de l’auteur en coureur de fond en équilibre sur une échelle de bois c’est le très beau journal de Susan Sontag qui me tombe dans les bras, et puis, rangé dans le mauvais rayon, le nouveau roman de cette exceptionnelle écrivain canadienne qu’est Anne Michaels : Winter vault.

il y a dans le Canada anglophone un terreau particulier : la grande Margaret Atwood bien sûr, et puis j’ai souvent été touchée par Barbara Hodgson, ses livres d’opiums et de voyages antarctiques, son travail d’illustratrice qui prend souvent le pas sur les maladresses de style… Anne Michaels est faite d’une autre matière : terre, poussière, gemmes et tourbe profonde, tout à la fois tenue entre la Méditerranée et Toronto. à la vérité, peu importe que les romans d’Anne Michaels causent de l’exil ou d’Abou Simbel : simplement – quelle écriture ! Anne Michaels écrit en poète, le roman prête sa forme et cède au flot, série de vagues toujours plus profondes, le courant qui ravine le fond de la langue et surgit à nouveau. c’est un soulagement infini d’ouvrir un livre au hasard et de savoir qu’enfin il s’agit d’écriture. Fugitive Pieces m’avait jetée dans des émois amoureux tout à fait impossibles, des heures dans le bain quand l’eau depuis longtemps est bien froide. serai-je déçue par Winter vault ? je l’ai posé sur la table, je le retourne, je le regarde comme un joli garçon dont les rêves sans cesse affleureraient à la peau.

Through the yellow hooves
of the ginkgo, parchment light;
in that apartment where I first
touched your shoulders under your sweater,
that October afternoon you left keys
in the fridge, milk on the table…

Anne Michaels, extrait de Phantom Limbs, in The Weight of Oranges, 1997.

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