ces derniers jours très épais, rêves montueux, crises de larmes dont je ne sais si elles sont joie ou terreur. l’orage est tombé comme une grande main, il a raviné la chaleur et les ruelles, jusqu’au fond de ma peau, presque un soulagement. j’ai relu mes carnets du Japon et les lettres de J, et puis je me suis écriée : oh mais quelle idiote !
qu’est ce que je me laisse devenir ? une idiote oui, apeurée de n’être jamais assez aimée…
où est-elle, celle qui courait les rues, les danses, les livres pareillement enivrée et tombait à la renverse dans les herbes les plus hautes ou les bras des garçons ? celle qui cherchait sans cesse le plus vif, le plus tendre, « si c’est beau c’est très bien, si ça fait mal : le train » ? d’être si seule à Tokyo c’est de la ville d’abord dont j’étais amoureuse, passionnément, et plus tard, d’un garçon qui fumait des cigarettes dont il avait pris soin, tranquillement, d’arracher le filtre comme la peau de mes os.
où est-elle, la fière aux yeux fardés qui chantonnait Barbara dans son bain : « car il faut savoir se quitter avant que ne meure le temps d’aimer… »
où est-elle, celle à venir, que je souhaitais plus tendre, légère, apaisée ?
au moment de cette pluie qui tombe sans discontinuer je la sens qui revient, multiple, tranquille, et elle rit aux éclats.