toujours la tour Saint-Jacques a eu ma préférence : secrète, visible-invisible, la pierre creusée sous la carcasse de fer des échafaudages, déjà dans les photos de L’amour fou elle est tenue au harnais, sa pointe seule surgissant, et Breton écrit :
« J’étais de nouveau près de vous, ma belle vagabonde, et vous me montriez en passant la Tour Saint-Jacques sous son voile pâle d’échafaudages qui, depuis des années maintenant, contribue à en faire plus encore le grand monument du monde à l’irrévélé. Vous aviez beau savoir que j’aimais cette tour, je revois encore à ce moment toute une existence violente s’organiser autour d’elle pour nous comprendre, pour contenir l’éperdu dans son galop nuageux autour de nous :
A Paris la Tour Saint-Jacques chancelante
Pareille à un tournesol « …
à vingt ans je marchais autour d’elle comme dans le périmètre du secret et toutes les rues semblaient toujours m’y emmener. à vingt ans j’aimais Breton trop fort et trop passionnément, je voulais l’alchimie du « délicieux beffroi de Nicolas Flamel » toute entière dans ma peau. un soir ou un autre j’y croisais clowns, magiciens, gamins errants ou le fantôme d’un allié… elle était mon phare dans la ville à la lumière obscure : dressée dans son corset de mystère, l’ombre humide des buissons, et les mendiants lentement s’endormaient à ses pieds.
cet après-midi, la surprise de la trouver là, si blanche, brillante, dénudée - de joie immense j’ai traîné des heures durant dans le quartier, je ne voulais plus jamais la quitter.