matin de glace, brillant, limpide, si clair si beau peut être mais tout me jette à terre comme le souffle d’une explosion.
à quoi bon dire ici la déception immense qu’est devenue jusqu’à l’image de ton visage?
j’errais, détruite, dans le semi-sommeil de nos décombres. et puis soudain, à la radio, une voix très sûre, très douce, une voix n’existait que pour moi. elle disait: la mesure de l’espace, l’inconnu, le vivant, les astronomes qui braquent leurs télescopes sur le ciel et les femmes qui errent les yeux au sol à la recherche des disparus dans le grand, le très grand désert d’Atacama.
elle disait aussi: la douleur du retour d’un monde à jamais disparu.
c’est fou, c’est inexplicable – à ce moment précis de ma douleur cette voix coulait liquide sur toutes les choses que j’aime et qui me bouleversent, cette voix me disait, dans l’interstice de chaque mot, que c’était là ce qui me définissait: l’intense présence au monde, l’écart, l’humain, la mémoire, la beauté.
alors, tu vois, tes frasques, tes peurs, ta trahison même, je crois que ça n’est plus mon problème.
je crois que j’ai donné sans limites, que je donnerai encore, que ce qui bat dans ma peau s’affaissait de ne pouvoir s’épanouir. à quoi bon pleurer sur tout ce que tu blesses en moi?
j’ai eu peur d’être seule. dans ce matin limpide, dans la voix la plus belle, dans l’émotion que suscite cette « nostalgie de la lumière » qui saisit à la fois la désolation du désert et l’appel splendide de la voie lactée, je sais maintenant que je ne le serai jamais.
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24 décembre 2011
- Jean-Claude Ameisen, « sur les épaules de Darwin » sur France Inter. cette émission est inspirée du film de Patricio Guzman « Nostalgie de la lumière » qui poursuit sa série sur l’histoire politique et poétique du Chili.
- photo: « La mano del desierto », bouleversante sculpture de Mario Irarrázabal