dans la pluie froide du soir, j’ai ouvert L’oeuvre au noir de Yourcenar comme les plis rouges d’une peinture flamande.
j’entre dans ma période Renaissance. je chemine au ralenti, à la bougie, le long des murs noirs d’une ville du nord que je ne connais pas. les bateaux de la découverte tanguent lentement dans les ports. autour de moi l’odeur de suie des cheminées, de la sueur des chevaux, des pierres calcinées des alchimistes. l’odeur du sang, aussi, gorges tranchées au nom du Christ, l’Europe qui brûle, il n’y pas d’apaisement. la nuit des étudiants volent les cadavres des cimetières et les ouvrent, les yeux émerveillés. Vesalius explore le corps comme un pays. Tycho Brahé invente le ciel à l’oeil nu.
et les femmes? on les peint en déclinaison, blondes, à l’enfant, à l’hermine, au petit chien.
je pense à la soeur de Shakespeare rêvée par Virginia Woolf, celle qui n’a pas pu exister. « it is unthinkable that any woman in Shakespeare’s day should have had Shakespeare’s genius« écrit Virginia Woolf, qui ne mesure que trop bien la béance du statut, de l’éducation, de la liberté des femmes réduites à leur missel.
(sérendipité amusante – en cherchant la phrase de Woolf, je suis tombée sur ce site que j’avais moi-même créé il y a plusieurs années: Les chemins de traverse, et dont j’avais totalement oublié l’existence…)